du jeudi 24 octobre 2024 au samedi 25 janvier 2025
Aujourd'hui
Toute affaire comporte son lot d’ambivalence. Ses mystères et ses rebondissements. Ses secrets et ses révélations. Intime et publique à la fois, sensationnelle et pudique en même temps. Elle ne se donne pas tout entière, ne se résoudra peut-être jamais complètement. Elle est cette petite histoire qui fraye avec de plus grandes. Elle est un nœud à détricoter pour faire apparaître des lignes et des dénouements, des liens et des ruptures, des réponses et d’autres questions encore.
L’affaire dont il est question ici n’échappe pas à la règle. C’est une histoire de lignes qui se croisent et se rejoignent, qui se tissent par-dessus les crevasses pour mieux les reboucher, qui se suivent du bout des doigts timides mais assurés, le long de visages chéris, ou près de corps trop tôt envolés.
Certaines lignées peuvent retracer leurs racines lointaines sur l’arbre généalogique hérité et transmis depuis des générations, remonter les branches multi-centenaires, compter tous les bourgeons. Pour les autres, il faut faire preuve de ressources et appel à l’imagination.
L’affaire qui éclot entre les murs du centre d’art contemporain pousse dans les recoins et les zones d’ombre de ce qu’on appelle les « grands récits », à l’orée des arbres majestueux qu’on a préféré cultiver plutôt que d’autres. Elle se tord et se dénoue au fur et à mesure des reconfigurations, des migrations et des métissages de ses pousses vigoureuses, le long des marges historiques et des périphéries géographiques. L’histoire que font germer les artistes de ce parcours est aussi documentaire que poétique, mais par-dessus tout performative. Elle est l’affirmation d’un arbre généalogique contrarié, de germinations invisibles ou empêchées, de communautés idéales, liées par le sang ou l’amitié, auxquelles se transmettent des gestes et des langues, des visages et des noms, des lieux rêvés et des recettes à réactiver.
Il y a la famille dans laquelle on naît et celle dont on décide de s’entourer, celle que l’on rêve et que l’on construit pour avancer, celle que l’on fait exister malgré les injonctions d’une historiographie plutôt encline à ne collecter que les grandes épopées.
L’affaire de famille qui fleurit ici est personnelle et aspire, du même coup, au collectif. Elle s’est épanouie dans l’art, au contact des branches déployées par les portraits de Neïla Czermak Ichti (1996, Bondy), Ibrahim Meïté Sikely (1996, Marseille) et Charline Rolland (1996, Rennes), dans les transmissions heureuses et malheureuses dont rendent compte Zineb Sedira (1963, Gennevilliers) et Bintou Dembélé (1975, Brétigny-sur-Orge), au travers des recettes et des offrandes de Socheata Aing (1993, Dourdan), le long des racines entremêlées et affamées d’Aïcha Snoussi (1989, Tunisie). Mon histoire de famille s’enracine dans l’atelier de mon père, Abderrahim Makhlouf (1961, Maroc), qui y a silencieusement cousu depuis tant d’années l’équilibre entre des forces contraires, des liens invisibles et des chemins vers la résilience. Elle y trouve le début d’une histoire sans fin. Des racines devenues des forêts. En elles, mon affaire de famille a germiné, fertilisée par le vent et le hasard des rencontres, des recherches et des joyeuses correspondances. C’est à ces membres, ancestraux et réels, idéaux ou disparus, fleurs éternelles, qu’il s’agit ici de rendre hommage.
L’affaire est éclose, l’histoire peut continuer.
Source des données : DATATourisme